Interview - Rencontre : Jan Kounen & Anne Paris

Réalisateurs de The Journey - Mère Océan

- @oceansurfreport -

A l'occasion de la projection de The Journey - Mère Océan de Jan Kounen et Anne Paris dimanche dernier à la Cité de l’Océan de Biarritz, Surf Report est parti à la rencontre des réalisateurs de ce documentaire bouleversant. Ce film raconte l'histoire de deux destins incroyables : celui de Jean-Marie Ghislain et de Leina Sato, deux personnalités contrastées que rien ne prédestinait à se rencontrer, si ce n'est leur amour immodéré pour la mer. Un événement inattendu vient bouleverser leur vie : Leina est enceinte. En suivant cette grossesse, le film pose une question universelle, celle qui habite tous les futurs parents : comment accueillir, du mieux possible, un enfant dans ce monde ?

Pouvez-vous commencer par nous parler de vous individuellement, de vos univers personnels et vos projets avant d’aborder la réalisation de The Journey ?

Anne Paris : Je suis réalisatrice. Pour la petite histoire, Jan et moi avons fait la même école des arts décoratifs à Nice, nous avons étudié à la Villa Arson. Nous nous sommes rencontrés là-bas et avons déjà travaillé ensemble à plusieurs reprises. Avant cela, j’ai été script et assistante réalisatrice.

Je me suis ensuite tournée pleinement vers la réalisation, dans le tournage de divers clips, documentaires... A cette époque Jan et moi n’étions pas encore ensemble, comme c’est le cas aujourd’hui. Parallèlement, j’avoue avoir eu plus de mal à ne faire que du film, j’ai donc suivi une formation en Yoga. Puis je suis devenue enseignante, et j’exerce aujourd’hui depuis plusieurs années un Yoga d’expansion de conscience. Cette pratique m’a amenée à faire des projets en commun avec Jan, et à faire un pont avec son travail. Jan s’intéresse à diverses choses dont le chamanisme, qui nous a permis d’être en accord sur cet aspect de quête, de recherche, d’exploration de conscience.

J’ai ensuite rencontré Leina, la personne clé du film. Je me souviens avoir fait un atelier de dessin, le but était de dessiner un dauphin. Au moment où j’ai fini le dessin, j’ai senti une sorte de connexion, cela a réveillé quelque chose, j’ai eu très envie d’en voir en vrai. Venant des arts déco Jan et moi avons toujours eu cette fibre artistique, cette sensibilité.

Seulement, en me renseignant j’ai compris la difficulté de mettre en place une telle expérience. J’en ai parlé à tous mes amis, à Jan, il fallait absolument qu’on trouve le moyen d’aller voir les dauphins ! (Rires). J’ai donc mis le projet en stand-by. Puis quelques mois après nous avons rencontré Patrice Van Eersel (écrivain et journaliste français ndlr.) lors d’une soirée, je lui ai alors demandé sur quel livre il travaillait en ce moment, il m’a répondu qu’il avait rencontré il y a peu une japonaise qui nageait avec les dauphins, une femme extraordinaire. Je me suis dit que c’était génial comme coïncidence, et je lui ai posé la question d’une éventuelle rencontre. Il nous a directement mis en contact.

Lors de cette rencontre Leina nous a montré son travail ainsi que les poèmes qu’elle écrivait, issus de ses expériences en plongée. Ces poèmes étaient magnifiques, ça a fait tilt. L’emotion qui se dégageait, c'était si fort, cela correspondait complètement avec le type de projets que nous voulions mener.

Jan Kounen : Pour ma part je fais des films, et au cours de mon travail j’ai été amené à rencontrer les médecines traditionnelles indigènes, sur lesquels j’ai réalisé deux films, qui sont D’autres mondes et Blueberry. Et en parallèle je continuais de faire des films de fiction, des documentaires en fonction des sujets. La proposition de cette aventure avec Leina nous a amené à travailler sur l’altérité, sur l’apprentissage de l’autre, et nous avons tissé cette relation ensemble. Nous avons eu l’idée de développer un film avec Leina, un documentaire plutôt scientifique, qui n’a finalement pas vu le jour, après des années d’écriture. Entre-temps Leina a rencontré Jean-Marie, son conjoint, puis est tombée enceinte. Ils sont alors venus parler de leur projet. Ils voulaient que le futur bébé entre en contact avec les dauphins, les baleines et les cachalots, qu’il entende leurs chants depuis l’intérieur du ventre de Leina. Et ils nous ont parlé de filmer l’expérience.

C’est donc ce film sensoriel qui a vu le jour, cette expérience, c’est ce projet qui s’est réalisé.

Est-ce que le fait de tourner ce film a modifié votre relation avec Leina et Jean-Marie ?

Jan Kounen : En soi, tourner un film change directement la relation que vous avez les personnes avec qui vous travaillez. Dans le cas présent, ils étaient nos amis déjà avant de tourner, et après avoir partagé cette expérience avec eux, le voyage, les rencontres, l’invitation à assister à l’accouchement de Leina. Tout ce partage est venu approfondir notre relation.

Est-il difficile de trouver des personnes pour produire ce genre de film ?

Anne Paris : Oui, c’était très difficile, il est de toute façon difficile de faire des films en général. C’est encore plus difficile en ce moment ! (Rires) Même si nous n’avons pas réussi à faire ce film scientifique prévu à la base, nous avons réussi à produire le film actuel, et pour cela nous avons été très persévérants. Beaucoup de gens proposent des films sur les dauphins, il faut que cela rentre dans ce qui marche économiquement parlant. Nous avons alors réfléchi au format cinéma avant de se pencher sur la télé, en pensant qu’il serait peut-être plus simple de trouver des producteurs dans ce domaine, même si ça n’a pas été le cas. C’était déprimant de ne pas trouver tout de suite ! Mais nous avons finalement rencontré un couple, Bellota films, qui nous ont aidés, qui ont apporté beaucoup d’énergie au projet, tout comme Jean-Marie. Jan était aux Etats-Unis, Leina et Jean-Marie étaient déjà partis, j’ai donc rencontré les personnes de Bellota Films seule, il s’agissait de Dominique Barneaud et Hind Saïh, un couple très sympa ! En partie grâce à leur enthousiasme, nous avons réussi à convaincre France 5.

Mais pour synthétiser, on peut dire que c’était un véritable parcours du combattant ! (Rires)

On remarque tout de suite qu’il y a une réelle dimension spirituelle qui entoure ce film, pouvez-vous nous en dire plus ?

Jan Kounen : Toute expérience humaine peut être abordée d’un point de vue spirituel, ou plutôt sensible. Dans le cas présent il s’agit d’un mot que l’on met sur un endroit que l’on oublie. C’est-à-dire, que de notre point de vue, nous avons réalisé un film normal sur une problématique précise : la rencontre entre les êtres humains et l’Océan. Quand on parle de cela, il est logique qu’il y ait ce monde sensible, qu’il y ait tout un monde invisible accompagnant les interactions humains-dauphins. C’est Leina qui a apporté cette dimension qui lui appartient, c’est elle qui l’exprime de cette manière. Nous n’avons pas fait grand-chose de spirituel. Mais, contrairement à un film abordant des problématiques sociales, ou scientifique, notre film aborde une réalité que l’on peut qualifier de spirituelle, mais qui est surtout une aventure sensible. Un regard, une sensation sur la reconnaissance du vivant où qu’il soit. En tant que réalisateurs, nous n’avons fait que décrire cette aventure qu’ils ont vécu. Il s’agit plus un film traitant de conscience, qu’un film portant sur la notion de spirituel. 

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