Surf - Claudy Robin : ''Surfer pour un non-voyant, c'est comme marcher sur l'eau''

Afin de préparer les journées d'initiation de la saison 2021, l'association a lancé une campagne de collecte de dons. Et elle a besoin de vous.

- @oceansurfreport -

Depuis 2012, l'association See Surf organise avec le Lacanau Surf Club des ateliers pour personnes malvoyantes et aveugles. Un mouvement qu'a décidé de mener son président, Claudy Robin, lui-même non-voyant depuis une maladie génétique de la rétine survenue alors qu'il avait neuf ans. En 2019, au travers de quatre événements, l'association See Surf a initié près de 38 personnes mal et non-voyantes. Une véritable victoire pour celui qui a découvert la pratique du surf à l'âge de 38 ans. Afin de préparer les journées d'initiation de la saison 2020, l'association a lancé une campagne de collecte de dons. Et elle a besoin de vous.*

Claudy, d'où est né ton intérêt pour le surf ?

Ma maladie a été diagnostiquée à l'âge de neuf ans. En 2006, j'ai eu un grave accident qui m'a plongé dans le coma et lorsque je me suis réveillé, j'avais perdu plus de la moitié de mon acuité visuelle, qui est aujourd'hui égale à 1/10, soit pratiquement rien. Mais j'ai toujours fait du sport dans ma vie, que ce soit de la planche à voile, du bodyboard, du canöe-kayak.. Tout ce qui touche au sport nautique. J'ai toujours voulu faire du surf, mais en tant que déficient visuel ça semblait quasiment impossible. Et un beau jour de 2007, j'ai eu l'occasion de monter sur une planche à Biscarrosse. À partir de là, j'essayais de surfer plusieurs fois par an avec des potes qui m'accompagnait, que ce soit dans le Pays basque, les Landes...

Et en 2012, tout s'est accéléré...

Ma femme est tombée sur un article publié sur surfsession.com, avec cette vidéo du surfeur brésilien non-voyant Derek Rabelo surfant Pipeline. Je l'ai regardé, et je me suis dit : 'il faut que je rencontre ce mec !' C'est à partir de ce jour-là que j'ai contacté Surf Session, et que j'ai rencontré Romain Ferrand, Julien Roulland et Xavier Gulon qui m'ont aidé à financer une expédition à Hawaï, en communiquant sur mon idée de projet participatif. Je suis allé à Hawaï en 2013, où j'ai rencontré Derek, discuté avec Kelly Slater, pris contact avec l'association Access Surf qui fait surfer les personnes en situation d'handicap visuel là-bas... Ensuite, tout s'est enchaîné, See Surf s'est créé, Jérémy Florès est devenu le parrain, je suis passé au téléthon...

Kelly Slater et Claudy Robin.
Tu as ensuite souhaité partager ton univers ?

Je ne voulais pas vivre cette expérience seul, ç'aurait été égoïste de ma part. Il me semblait important de transmettre ce que j'avais découvert, dans cette optique de dépassement de soi par la glisse. La déficience visuelle est un handicap qui isole beaucoup. Permettre à d'autres personnes de sortir de leur zone de confort grâce au surf et y trouver une source d'épanouissement, c'était essentiel pour moi. Cette aventure va dans le bon sens, c'est prometteur pour l'avenir. Moi j'ai 50 ans, donc ça m'importe moins d'un point de vue personnel. Mais pour les enfants, c'est important !

Dans quelle mesure le surf sollicite d'autres sens que la vue ?

Il y a l'odeur d'abord, le fait de sentir l'air marin. Et puis, quand j'arrive à l'océan, je sais reconnaître si les vagues sont grosses ou non grâce à l'ouïe. Le fait d'être mal ou non-voyant permet de développer ces sensations, tous nos sens sont épanouis et démultipliés de A à Z.

Et niveau sensation ?

C'est simple, quand tu ne vois pas au moment du take-off, et que tu parviens à te lever, c'est comme si tu marchais sur l'eau. Il y a trois ans, j'ai pu surfer le mascaret sur la Dordogne, à Saint-Pardon. J'ai dû glisser une bonne dizaine de minutes, et deux jours après c'est comme si je sentais encore la vague sous mes pieds, un truc de fou !

"À travers nos actions, au nombre de quatre par an, on permet à un large public de vivre ces sensations."

C'est venu naturellement pour toi ?

Par le passé, j'ai fait beaucoup de danse contemporaine avec ma femme, qui est professeur de danse. Je prenais des cours avec elle, ce qui me permettait de développer mon équilibre et mes repères. Quand tu ne vois pas, c'est difficile de se situer dans l'espace, d'avoir une approche globale de son corps selon sa position. La danse m'a permis de développer une sorte de stabilité, d'amplifier mes réflexes.

Aux côtés de Jérémy Florès et de Derek Rabelo, à Hawaï.
See Surf, c'est un moyen de permettre à d'autres personnes en situation de handicap visuel de vivre ces expériences ?

Exactement, cette aspect découverte, pédagogie. Permettre aux gens - enfants, adolescents et adultes - de s'inspirer de ce que j'ai pu découvrir et le mettre le pratique. À travers nos actions, au nombre de quatre par an, on permet à un large public de vivre ces sensations. Un jeune garçon vient de Reims et chaque été depuis quatre ans, ses parents lui offre une semaine de vacances au Lacanau Surf Club pour surfer. C'est génial !

Cette campagne de dons permet donc de mettre en place ces actions...

On peut acheter du matériel, des planches de surf, des lycras... Organiser ces journées associatives, qui demandent beaucoup de bénévoles puisqu'il faut trois personnes par non-voyant une fois à l'eau, de la meilleure des manières. Cette campagne de don, c'est ce qui nous permet de vivre.

Et pouvoir raconter d'autres belles histoires, comme celle de Lou Méchiche...

Lou, c'est une gamine de 13 ans qui a été atteinte d'une tumeur au cerveau à l'âge de six ans et demi. Elle a perdu la vue, car cette tumeur a touché le nerf optique et ses globes oculaires n'étaient plus en mesure de transmettre la couleur et l'image à la rétine. Deux ans plus tard, elle est venue à ma rencontre en me faisant part de sa volonté de surfer. Elle a donc essayé avec nous, et elle a tellement pris goût que je lui ai donné ma première planche. Depuis l'an passé, elle est licenciée au Lacanau Surf Club, où elle a pris prend des cours tous les samedis matins avec des enfants valides qui ont son âge. Mais elle voulait encore se dépasser. Alors elle s'est présentée aux championnats de France à Hossegor, où elle a concouru avec trois garçons. Et elle a terminé 3e. La mission d'inclusion était plus que remplie !


Campagne 2021 : Envoyez vos dons sur www.seesurf.fr

Pour plus d'informations : www.seesurf.fr - "association See Surf" sur Facebook.

* : interview réalisée en novembre 2019.

      
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