Pédagogie Météo - Petite anatomie des Grands Lacs d'Amérique du Nord

La quête de la vague (im)parfaite par excellence.

- @oceansurfreport -

--- Article initialement publié le 28 octobre 2020 ---

Les conditions météorologiques des Grands Lacs d'Amérique du Nord sont à l'image d'une session de surf : parfois rudes, tantôt clémentes, jamais parfaites et toujours changeantes. Les toutes premières fois où des surfeurs ont mis les pieds dans les eaux douces et gelées de ces bassins formés à la fin de la dernière ère glaciaire (glaciation du Wisconsin) il y a environ 10 000 ans, sont relativement anciennes. Selon l'histoire, cela s'est passé à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, loin des plages hawaïennes, australiennes ou californiennes où la pratique brillait déjà sous la lumière des tropiques.

En 1945, un militaire non identifié de retour de mission d'Hawaï serait rentré chez lui à Grand Haven, sur la rive Est du lac Michigan, avec une planche en bois et aurait commencé à surfer les wind swells qui se formaient sur les lacs. Ensuite, ces bassins ont ensuite été témoins de l'essor de la pratique, avec des clubs et des associations qui ont vu le jour au fil des années. En 1966 ont d'ailleurs eu lieu les tous premiers "Greats Lakes Surfing Championships".

Carte des Grands Lacs d'Amérique du Nord.

Depuis, chacun des Grands Lacs, du Supérieur au Michigan, en passant par Érié, Huron et Ontario, a vu la culture du surf grandir et les pratiquants se multiplier par dizaines. Et aujourd'hui, si la pratique du surf est encore confidentielle, elle s'est largement répandue et attire des surfeurs du monde entier. Néanmoins, une question subsiste : comment se forment-elles, ces vagues sur les Grands Lacs ? Décryptage.

1. Superficie

245 000 km² : c'est l'étendue d'eau douce que représentent ces cinq lacs, chacun reliés par un réseau de chenaux complexes et cernés par des centaines de bassins de taille inférieure. Avec le fleuve Saint-Laurent, qui relie les Grands Lacs à l'océan Atlantique, ils constituent 18% des ressources d'eau douce disponible sur Terre (sans prendre en considération les glaces) et 90% du volume d'eau douce des États-Unis.

Le plus grand d'entre eux, c'est le Lac Supérieur. "Une véritable mer interne, connue et réputée pour sa taille, sa profondeur ainsi que son eau propre et claire. Une des meilleures vagues y déferle sur la côte Sud", nous explique Aurélien Bouche-Pillon, un surfeur français expatrié à Rochester (Lac Ontario) depuis une quinzaine d'années. En effet avec ses 83 000 km², soit l'équivalent de la République Tchèque, cette retenue d'eau à cheval entre le Canada et les États-Unis représente le plus vaste lac d'eau douce au monde. Et avec et ses immenses étendues - 1120km d'Ouest en Est, 800km du Nord au Sud - il est propice à la formation de vagues.

En 2018, le free-surfeur portoricain Dylan Graves, tête d'affiche de la série "Weird Waves" (voir par ailleurs), partait à la découverte de la région des Grands Lacs et connectait avec les surfeurs locaux pour l'un des "swells" de la décennie : 12 pieds et 7 secondes de période. Les conséquences de ces paramètres météorologiques sur le potentiel des spots qu'abritent les différents lacs sont bluffantes.


2. Formation du fetch

Comme ses étendues d'eaux voisines, quand un système dépressionnaire parcourt le Lac Supérieur, les vents forts soufflant suffisamment longtemps et parcourant une distance importante provoquent des wind swells, qui génèrent des vagues.

Comme pour l'océan, en plus de la force du vent et de la durée et son étendue, que l'on va appelé le fetch, il faut prendre en considération un autre élément : l'angle de trajectoire. Plus la distance est grande, plus le wind swell a le temps de s'organiser et former des lignes consistantes en direction des côtes. Afin d'apporter un élément de comparaison, une houle océanique avec un vent de 40km/h, soufflant sur 200km et pendant 15h engendrera des creux de 2,50m (cf. "L'homme et la vague" de Gibus de Soultrait - 1995). Dans les Grands Lacs, on considère généralement que les vagues nécessitent un vent de 35km/h soufflant sur 80km et pendant au moins 5h, pour se former.

3. Rôle de la température de l'air et de l'eau

Aurélien Bouche-Pillon.

"La température de l'eau et de l'air, ainsi que leur différence, jouent un rôle majeur. L'automne par exemple, avec des vents froids sur une eau à température modérée, créent des vagues plus facilement", exprime Aurélien. Ce qui peut expliquer ce phénomène, c'est la densité liquide qui change, facilitant le déplacement des ondes et déformant ainsi la surface de la masse d'eau.

Ces éléments, additionnés à une bathymétrie bien particulière du littoral avec des profondeurs importantes (le lac Supérieur plonge à 244m) permettent aux ondulations émises au large d'infléchir leur direction et leur permettre de gonfler jusqu'à un point critique : le déferlement. La physionomie de cette onde, quant à elle, s'adaptera au fond auquel elle se heurte -  plages de sable, de roches ou de galets en l'occurrence - créant des vagues au déferlement différent.

4. The Search

Aurélien Bouche-Pillon.

"La technologie aide énormément mais rien ne vaut l'expérience et les phénomènes imprévisibles que réservent les lacs", avoue Aurélien. "Il faut connaître les côtes et les vents de manière très détaillée, et consacrer beaucoup de temps et d'énergie à chercher les vagues. J'ai passé des dizaines et des dizaines d'heures sur la route à explorer le littoral par certains vents, afin de voir comment les spots réagissent".

Car partir à la découverte des vagues qui peuplent les Grands Lacs relève de l'aventure permanente, une zone de confort dont il faut s'éloigner et une ouverture d'esprit qui amène à se plonger dans des activités hors-normes. Parfois, plus que la dangerosité des spots, ce sont les conditions extérieures, notamment les routes, qui sont menaçantes. Absence de visibilité, verglas, neige... "Parfois, cela me fait plus peur que les sessions elles-mêmes", relève Aurélien. Et les morceaux flottants de glace qui peuplent le line-up peuvent vite devenir un danger...

Photo à la une : Mike Killion / Vans

À venir : une interview d'Aurélien Bouche-Pillon, qui nous expliquera les spécificités de chacun des Grands Lacs, ainsi que le rôle et la compréhension des prévisions.

Sources : Universalis Surf The Great - Encyclopedia of Surfing 

         
Mots clés : grands lacs, amérique du nord, great lakes, wind swell, michigan, huron, érié, lac supérieur, ontario | Ce contenu a été lu 22526 fois.
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